UX Research Repository : 6 étapes pour améliorer la diffusion de la connaissance utilisateur au sein de votre entreprise

Quand on fait de la recherche utilisateur depuis un certain temps au sein d’une entreprise, on accumule un certain nombre de données sur le comportement et les irritants de nos utilisateurs. Il nous arrive souvent de nous dire, après une série d’entretiens ou de tests utilisateur par exemple : « Tiens on nous l’a déjà dit ça, mais dans quel projet ? Il faudrait qu’on enquête sur ce point. »

Aujourd’hui, la gestion de la connaissance utilisateur acquise au cours des années devient nécessaire dans certaines entreprises dont le nombre de professionnels UX est conséquent et la recherche utilisateur fréquente. A Ludotic, on s’est intéressé au concept d’UX Research Repository. Alors, dans cet article on vous propose de découvrir :

L’UX Research Repository : définition et concept

L’UX Research Repository (que l’on pourrait traduire par référentiel de recherche utilisateur) est un outil qui permet de stocker, manipuler, diffuser et transformer les données issues de la recherche utilisateur. Le principal objectif est de mettre en valeur ces données, au-delà de l’équipe qui les a analysées et au-delà du sujet d’étude initial. Cela permet aux équipes UX de capitaliser sur l’existant et de l’enrichir grâce à des analyses plus poussées.

Parcours de la donnée de l'utilisateur jusqu'aux équipes, en passant par l'UX Research Repository
Parcours de la donnée de l’utilisateur jusqu’aux équipes, en passant par l’UX Research Repository. Crédit : Ludotic

On peut citer comme avantages :

  • Faire vivre la donnée utilisateur au-delà de l’étude réalisée à un instant T pour un projet en particulier
  • Centraliser et retrouver facilement des données contextualisées sur les utilisateurs
  • Démocratiser l’accès à l’information et à la recherche utilisateur
  • Faciliter l’analyse à travers plusieurs activités UX et plusieurs projets
  • Eviter les recherches utilisateurs redondantes
  • Être plus transparent sur la provenance de l’information
  • Permettre de rapprocher plusieurs sources différentes de données utilisateurs (par exemple, support / marketing / UX)

Plusieurs types de données

L’UX Research Repository permet de stocker et de manipuler 3 types de données :

  • Un fait (la donnée brute)
  • Une observation
  • Une connaissance utilisateur
Trois types de données à stocker et à manipuler dans un UX Research Repository
Trois types de données à stocker et à manipuler dans un UX Research Repository. Crédit : Ludotic

Un fait (la donnée brute). Cette donnée n’a pas été filtrée, et elle permet de vérifier les observations et les connaissances utilisateur au besoin. Elle permet à la fois d’analyser et d’illustrer une observation ou une connaissance. On peut y associer le type d’activité UX réalisée et peut servir pour de futures analyses plus poussées (au-delà de l’activité réalisée à l’instant T). Il peut s’agir d’un format textuel, vidéo, etc… Exemple : notes d’entretien, notes de tests utilisateur, commentaire d’utilisateur de réseaux sociaux, demandes via le support, résultat de sondage, etc…

Une observation. Provenant d’une étude utilisateur ou d’une activité UX, une observation présente un degré plus fin que la connaissance. Il peut s’agir d’un sentiment des utilisateurs, de propositions de recommandations, d’un benchmark compétitif, et bien plus. Exemple : problème d’utilisabilité, demande de fonctionnalité, retour d’utilisateur, perception, etc…

Une connaissance utilisateur. La donnée analysée permet de faire ressortir des connaissances utilisateurs, à la fois à l’aide de données qualitatives et quantitatives. Une connaissance utilisateur est holistique et de haut niveau. Elle est présentée sous un format digeste, et liée aux données sources. Elle provient de plusieurs études différentes et est le fruit d’une analyse poussée de la donnée. Exemple : persona, empathy map, carte d’expérience, etc…

A savoir avant de se lancer dans la création d’un UX Research Repository

C’est un outil qui présente des dimensions à la fois stratégique et organisationnelle. L’UX Research Repository va changer les processus et alimenter la vision stratégique de l’entreprise. Il y a notamment 3 aspects à prendre en compte dans la mise en place de cet outil :

  • Les données. Quelles données sont à intégrer dans le repository ? Sous quelle forme ?
  • Les personnes. Qui va collecter les données ? Les analyser ? Les consulter ? Il sera nécessaire d’expliquer le concept, les processus et l’outil aux personnes qui vont l’utiliser, en fonction de leur usage (consultation ou édition).
  • Les processus. Comment va-t-on collecter les données, alimenter le repository, et partager les données ? De nouveaux processus seront nécessaires (par exemple, comment faire une analyse transverse) tandis que d’autres seront à revoir (par exemple, comment intégrer les données après une activité UX).

En répondant à ces questions, vous serez en mesure de mieux contrôler l’impact de la mise en place d’un UX Research Repository au sein de votre entreprise. En effet, un tel outil peut entraîner certaines conséquences que vous devez anticiper :

  • Possible perte de contrôle sur l’appropriation de la donnée et son analyse / perception. Des personnes non-UX vont accéder à la donnée et l’interpréter / l’analyser selon leurs besoins. Parfois, certaines personnes vont sélectionner uniquement les données qui vont dans leur sens (biais cognitif), etc… Il est donc primordial de former non seulement à l’outil mais aussi à la méthodologie.
  • Une personne référente est nécessaire pour mettre en place et maintenir cet outil : créer les éléments nécessaires, les diffuser, contrôler l’utilisation, répondre aux questions, former, etc…
  • Coût élevé. Il faut prévoir une ressource humaine et le coût éventuel d’un outil spécialisé
  • Un outil de plus, ce qui peut être un possible frein à l’adoption

Conditions de succès

Enfin, certaines conditions doivent être réunies pour que la mise en place d’un UX Research Repository soit une réussite :

  • Que votre organisation ait un degré de maturité UX assez élevé. Une entreprise qui est consciente de l’intérêt d’impliquer des utilisateurs (et qui le fait en amont et après les projets) ET dont les différentes parties prenantes savent comment manipuler et traiter les données
  • Avoir assez d’experts UX au sein de l’organisation et de champions UX (défenseurs de l’UX sans être UX eux-mêmes)
  • Avoir un budget adéquat pour les ressources matérielles et humaines
  • Identifier clairement quels sont les avantages et coûts de ce dispositif, ainsi que les attentes des différentes parties prenantes, et ce pour SON contexte d’utilisation afin de favoriser la réussite de ce projet.

6 étapes pour mettre en place un UX Research Repository

Ludotic propose 6 étapes clefs pour mettre en place un UX Research Repository :

  1. Cadrage et analyse des besoins internes (immédiats et futurs)
  2. Choix d’une solution adaptée
  3. Paramétrage de l’outil et définition d’une méthodologie adaptée et de conventions partagées
  4. Utilisation sur des activités UX (en cours / à venir)
  5. Ouverture aux personnes non-UX (optionnel)
  6. Mesurer le succès et itérer
6 étapes pour mettre en place un UX Research Repository
6 étapes pour mettre en place un UX Research Repository. Crédit : Ludotic

Etape 1 : Cadrage et analyse des besoins internes (immédiats et futurs)

Comme pour le début de tout projet, il faut commencer par bien comprendre les enjeux, le contexte et les besoins de votre organisation et des différentes parties prenantes. C’est en phase de cadrage qu’une analyse des besoins internes sera réalisée en prenant en compte les besoins immédiats et futurs. Afin de favoriser l’adoption et les chances de succès, nous vous recommandons de :

  • Comprendre quel est l’écosystème actuel, qui sont les parties prenantes, quels sont les processus actuels, et quels sont les irritants actuels
  • Identifier comment un UX Research Repository pourrait s’intégrer dans l’entreprise et à quels besoins il répond (en termes de maturité UX et en termes business)
  • Cerner quels sont les besoins et attentes des différentes parties prenantes (UX, chefs de projet, décideurs, etc…)
  • Identifier quelles sont les ressources (humaines, matérielles) que l’on peut mettre à contribution
  • Identifier des indicateurs de succès (KPI) après implémentation et planifier un plan de conduite du changement
  • Traiter la mise en place d’un UX Research Repository comme un projet traditionnel

Etape 2 : Choix d’une solution adaptée

Il faut ensuite choisir la solution au regard de son contexte, de ses besoins et de ses moyens. Le choix d’un outil adapté peut donc différer d’une entreprise à l’autre. Il peut s’agir d’adapter un outil existant et déjà présent dans votre organisation, ou bien de prendre une solution tierce externe (type Airtable ou Dovetail), ou bien encore de créer votre repository de toutes pièces.

Dovetail, un outil d'UX Research Repository, propose différentes manières d'afficher les données, de nombreuses fonctionnalités complémentaires, et une recherche pertinente des données.
Dovetail propose différentes manières d’afficher les données, de nombreuses fonctionnalités complémentaires, et une recherche pertinente des données.
Airtable permet également de stocker ces données utilisateurs sous différents affichages.
Airtable permet également de stocker ces données utilisateurs sous différents affichages.

Il faudra bien sûr penser à vos besoins et moyens immédiats et futurs afin d’éviter une possible migration au bout d’un certain temps d’usage.

Vous pouvez également vous inspirer d’entreprises qui ont partagé leur processus de mise en place. On peut citer :

Etape 3 : Paramétrage de l’outil et définition d’une méthodologie adaptée et de conventions partagées

Une fois la solution choisie pour devenir votre UX Research Repository, vous allez devoir :

  • Paramètrer l’outil
  • Définir une méthodologie adaptée et comment l’intégrer aux processus existants
  • Définir une taxonomie et des conventions qu’il faudra ensuite partager.

Il est très important de définir une méthodologie claire et efficace pour assurer la bonne prise en main de l’outil. Le repository est comme une immense bibliothèque. Sans processus clair sur comment stocker la donnée et comment la formaliser, il vous sera vite impossible d’en tirer tous les bénéfices attendus. De même, comment nommer les choses et les organiser, avec quelles conventions, est primordial afin d’assurer que votre repository sera bien utilisable.

C’est particulièrement important car plusieurs contributeurs vont déposer du contenu sur votre repository et que l’interprétation des données risque de poser problème à terme (il n’y aura pas assez d’informations, ou la donnée brute ne sera pas accessible, etc…). Il vous faudra donc déterminer quels tags sont à créer, dans quel cas les utiliser, comment formuler une connaissance UX et une observation, comment stocker la donnée brute, etc.

Ensuite, vous devrez partager ces informations à tous les contributeurs, et bien sûr, vous assurer que ces conventions sont bien utilisées. De même pour la méthodologie, savoir ce qu’on stocke sur le repository, à quel moment, et de quelle façon est essentiel pour assurer une certaine cohérence et une certaine utilisabilité de la solution.

Etape 4 : Utilisation sur des activités UX (en cours / à venir)

Enfin, vous avez une méthodologie, des processus et une taxonomie bien au propre. Il est temps de commencer à alimenter votre repository. A vous de voir ce que vous souhaitez intégrer comme données d’activités passées. Vous pouvez commencer à l’intégrer dans vos activités futures.

Selon votre contexte, vous pouvez aussi intégrer les équipes support et/ou marketing pour qu’elles alimentent également le repository avec des données utilisateurs. Vous pouvez le faire dès le début ou après quelques temps d’utilisation.

Etape 5 : Ouverture aux personnes non-UX

Après quelques temps, vous allez enfin avoir de la donnée dans votre repository. Vous pouvez alors envisager d’ouvrir le service aux personnes qui vont consulter les données. Selon votre contexte, à vous de décider à qui vous donnez les droits d’accès (tout le monde, seulement les décideurs, seulement les Product Managers, etc…).

Cette ouverture à un grand nombre de personne non-UX doit être accompagnée. En effet, elles n’ont peut-être pas l’habitude d’être seule face à de la donnée utilisateur, et il faudra accompagner cette découverte afin d’éviter les biais les plus courants (par exemple, ne garder que les faits qui nous arrangent, ou bien surinterpréter une donnée, etc…).

Il vous faudra peut-être dans un premier temps restreindre cette consultation en présence d’un UX lors d’une réunion par exemple. Ou organiser une petite formation dédiée. En tous les cas, vous devez accompagner cette prise en main afin qu’elle se passe dans les meilleures conditions possibles.

Si vous mettez en place de la documentation et une formation, ces dernières vous seront également utiles pour former tout nouveau collaborateur qui rejoint l’entreprise par la suite à utiliser votre repository.

Etape 6 : Mesurer le succès et itérer

Enfin, comme tout projet, il est fortement recommandé de mesurer le succès de votre repository. Combien de personnes le consultent ? Que viennent-ils chercher ? Est-ce qu’ils ont trouvé la réponse à leur question ? Est-ce qu’ils ont des difficultés à l’utilisation ? Et ainsi de suite. Toutes ces questions vous permettront d’assurer que le repository sera utilisée dans le temps et utile aux différentes parties prenantes.

Vous pouvez tout à fait mettre en place des sondages, un test utilisateur, ou toute autre activité qui vous permettra de recueillir de la donnée sur l’utilisation de votre repository. A partir de là, vous pourrez itérer sur la méthodologie, les processus, la taxonomie, ou tout autre élément de votre repository qui nécessiterait d’être amélioré.

Quelques erreurs à éviter

En bonus, voici quelques erreurs à éviter.

Une formation insuffisante. Les éditeurs ou les personnes qui consultent les données n’ont pas été assez informés et guidés sur l’utilisation de ce nouvel outil. Un accompagnement insuffisant engendre des problèmes (ex. ne pas respecter la méthodologie par manque de connaissance, ne sélectionner que les données qui vont dans notre sens, etc…)

Pas assez de soutien des différentes parties prenantes. Construire un repository sans soutien de la part des différentes parties prenantes est complexe, voire inutile. C’est un outil qui doit être utilisé par de nombreuses personnes, de différentes équipes, à différents niveaux hiérarchiques qui peuvent aller du développeur jusqu’au CEO. Si vous n’avez pas assez de soutien, vous risquez de créer ce produit pour vous uniquement, et donc dépenser de l’argent et de l’énergie pour rien.

Choisir le mauvais outil. Aie ! En fonction de votre contexte, vous aurez peut-être besoin de fonctionnalités très poussées, ou au contraire du strict minimum ! En tous les cas, choisir un outil non adapté à votre contexte peut vous couter cher. S’il est trop restrictif, il vous faudra changer (et donc migrer les données). S’il est très beau en termes de design, mais qu’il est très peu ergonomique, vous risquez de rencontrer des réticences à l’adoption car les utilisateurs seront perdus. Prenez votre temps, et essayez différents outils avant de vous décider !

Ne pas désigner un responsable du repository. Un professionnel UX doit être le référent de l’outil, celui qui répond aux questions, tranche si un changement de processus est nécessaire ou non, celui qui formera les nouveaux UX sur le produit, etc… Ce rôle est important et ne doit pas être sous-estimé. Le repository vit dans le temps, tout comme votre entreprise, et doit s’adapter (nouveaux arrivants, nouveaux processus, etc…).

Le mot de la fin

L’UX Research Repository est un excellent outil qui permet de mettre plus en valeur les données utilisateurs et de les faire vivre dans le temps. Il aide à centraliser et à diffuser l’information à travers toute l’entreprise. Mettre en place ce type d’outil demande du temps et de l’énergie. Pour en assurer le succès, il faut le traiter comme tout projet et utiliser une démarche centrée-utilisateur. En ce sens, il peut être considéré comme un outil business-to-employee.

De nombreuses entreprises comme Uber, Google ou encore GitLab ont mis en place leur UX Research Repository et ont partagé leurs expériences sur la mise en place de tels outils. N’hésitez pas à nous contacter si vous voulez échanger à ce propos ou nous décrire votre projet !

Sources

2020. Nielsen Norman Group. Research Repositories for Tracking UX Research and Growing Your ResearchOps. URL : https://www.nngroup.com/articles/research-repositories/

2021. Devoteam. Le Repository, ciment de la connaissance utilisateur au bénéfice du produit. 2021. URL : https://creativetech-fr.devoteam.com/2021/10/04/le-repository-ciment-de-la-connaissance-utilisateur-au-denefice-du-produit/

2022. UX Studio Team. What is a research repository and what to consider before building one. URL : https://uxstudioteam.com/ux-blog/what-is-a-research-repository-and-what-to-consider-before-building-one/

2019. UX for the masses. Building a customer insights repository. https://www.uxforthemasses.com/customer-insights-repository/

QuestionPro. UX Research Repository: Definition, methods & examples. URL : https://www.questionpro.com/blog/ux-research-repository/

Auteur/Autrice

  • Virginie Hermand

    UX Lead, UX Designer - Virginie apporte son expertise en UX et en ergonomie lors de la conception d’une expérience utilisateur, avec une vision holistique provenant de sa formation pluridisciplinaire, et ce quel que soit le degré de maturité du projet. Son domaine de prédilection, la recherche utilisateur, lui permet de répondre concrètement aux hypothèses des équipes client, de repérer les éventuels axes d’amélioration, et de proposer des solutions pertinentes suivant le contexte d’usage, tout en respectant les contraintes techniques et business.

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