Ce n’est plus un secret pour personne, l’IA est en train de faire évoluer beaucoup de métiers, et ceux liés à l’informatique sont en première ligne. En gros, on aura plus vite des sites web dont le code est intégralement écrit par une IA qu’une baguette de pain façonnée de A à Z par un boulanger qui s’appelle ChatGPT. Quid de l’UX ?
Dompter l’IA
Comme beaucoup de professionnels du numérique, nous pensons que l’IA n’est pas obligatoirement un remplaçant de l’humain, même si dans certains cas/domaines/contextes, cela peut être le cas (et quelque part, c’est tant mieux pour tout le monde, il faut savoir se décharger de ce qui n’a aucune valeur ajoutée…).
Nous voyons l’IA plutôt comme un super-pouvoir, qui va certes modifier le travail d’un UX/UI designer, mais pas le remplacer. Comment ? Dans cet article, nous allons esquisser plusieurs évolutions de notre travail, assistées par IA. Dans un prochain article, nous allons aborder les nouveaux usages et donc les nouveaux champs d’intervention de l’UX que l’IA ouvre.
Synthetic Users : une fausse bonne idée
L’IA permet de remplacer la longue et couteuse étape de User Research par la génération d’utilisateurs de synthèse, produits sur la base du corpus de connaissances que l’IA possède. Une IA entrainée sur la littérature en Expérience Utilisateur peut en effet produire des profils utilisateurs cohérents mais l’expérience terrain des sociétés comme Ludotic montre que les synthetic users présentent de nombreux inconvénients par rapport au gain de temps et d’argent.

Ils sont souvent très superficiels et génériques en plus de ne pas être basés sur l’observation de comportements réels par rapport à un produit ou service donné, sans parler des biais potentiels (entrainement de l’IA sur des données anglosaxonnes, par exemple, qui ne sont pas transposables à 100% au contexte européen).
A mon sens, il ne faut donc pas penser que les utilisateurs de synthèse vont remplacer une bonne vraie démarche de recueil de données terrain mais ils peuvent permettre de poser des bases et formuler des hypothèses de travail précises, en amont d’un recueil de données terrain, qui permettra le lever les ambiguïtés. La démarche de recueil peut donc être allégée et accélérée.
Maquettage UX : les challenges du tout automatique
L’IA est actuellement en mesure de produire des maquettes d’interface. Elles sont « propres », elles peuvent inclure des propositions d’habillage graphique et on les obtient en quelques minutes. Suppression des emplois de tous les spécialistes Figma à craindre ?
En réalité, le maquettage confié à 100% à une IA présente au moins deux problématiques majeures : d’abord, comme pour toute production, la qualité du rendu dépend des données d’entrainement. Une bonne partie des IA du marché sont entrainées sur des données publiques et assez généralistes. Même si les frameworks utilisés (TensorFlow, PyTorch, Scikit-learn, etc) peuvent influencer le résultat, il y a de fortes chances qu’à partir d’input proches, on obtienne des output similaires.
On risque ainsi d’aller vers des UI qui manquent d’originalité et de personnalité. Certes, le respect des standards et des habitudes des utilisateurs est l’un des piliers de l’ergonomie IHM (Interface Homme Machine), mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’unicité de chaque produit.

La deuxième problématique réside dans la non prise en compte des retours utilisateurs liés au projet. Si on est dans une démarche de réduction des coûts et de production massive et très rapide d’applications et sites, on aura à disposition au mieux des synthetic users, avec toutes les limites décrites plus haut.
Autrement, on passera directement à la production d’écrans, sans se poser la moindre question concernant les spécificités du projet en termes de profils d’utilisateurs, tâches et contexte (la bonne vieille norme ISO 9241, que pas mal d’UX Designers de nos jours semblent malheureusement ignorer). Le résultat sera une UI passe partout, qui peut se révéler totalement inadaptée, notamment dans le cadre de produits métiers.
Mais aussi des avantages !
Il ne faut pas en revanche jeter le bébé avec l’eau du bain : l’IA peut être une fois de plus un précieux allié de l’UX Designer. Elle peut par exemple :
- Nous aider à créer des premiers gabarits/interactions de base pour les maquettes, en se basant sur les standards. Ces contenus seront à adapter, personnaliser et décliner en fonction des spécificités du projet
- Automatiser la création de certains composants . Si on doit créer des variants de chaque bouton en 3 versions, l’IA peut en s’en charger avec succès, la tâche étant simple et claire.
- Checker à chaque itération le bon respect de certaines règles ou normes, comme celles liées à l’Accessibilité Numérique (tailles des textes, contrastes de couleurs…) en évitant contrôles manuels et erreurs de production
Produire des documents
On a tous expérimenté l’écriture d’un email, d’un compte rendu, d’une lettre de motivation etc avec les IA les plus courantes et les résultats ne sont pas mauvais, quoique souvent à peaufiner. On peut imaginer donc d’aller plus loin et simplifier, voire automatiser tout un tas de tâches de notre quotidien de professionnels du numérique, qui n’ont pas une énorme valeur ajoutée.
Recopier des données depuis un tableur Excel vers une Présentation PowerPoint, rédiger des recommandations-type en fonction d’erreurs d’IHM très courants et vus 1000 fois, générer des rédactions pour illustrer des méthodologies très standardisées comme un test utilisateurs (validation des objectifs, validation des profils des utilisateurs, mise en place d’un guide de test adapté, conduction d’un test pilote…). Encore une fois, dans ces cas, l’IA vient assister, soulager et accélérer le travail humain, sans jamais le remplacer.
Esprit critique et limites de l’IA
On vient d’illustrer plusieurs avantages dans l’intégration de l’IA dans le quotidien d’un UX Designer (il y en a bien d’autres sur lesquels nous travaillons à Ludotic, mais ils sont couverts par le secret industriel). Comme tout nouvel outil, l’IA a ses avantages et inconvénients et se révèle particulièrement pertinent sur des tâches de production initiale, de duplication d’un acte métier bien défini ou de vérification de conformité d’un rendu par rapport à des règles claires.
Utilisés à bon escient, ces outils représentent un réel gain de temps, sans jamais dégrader la qualité des résultats obtenus ni faire prendre de risques. Car oui, il ne faut pas sous-estimer les risques représentés par une sur-confiance aveugle dans l’IA : elle n’a aucun esprit critique, ni finalement aucune vraie connaissance du monde des humains. Tout ce qu’elle présente comme une vérité, doit être pris avec des pincettes, car le taux d’hallucinations est encore très élevé (selon les sources et les IA, il est encore d’environ 50% !) et tout ce qu’elle produit suite à une consigne peut en réalité s’écarter énormément de la consigne en question (soucis de prompt, mauvaise compréhension, etc).
L’IA de demain ?
Comme on l’a dit plus haut, les nouveaux usages, habitudes et comportements que l’arrivée de l’IA dans nos vies nous permet d’observer donnent lieu aussi à un nouveau terrain de jeu pour les UX Researchers et UX Designers. En tant que spécialistes de la psychologie cognitive et du design prospectif, nous sommes ainsi bien placés pour concevoir l’Expérience Utilisateur de demain, qui sera sûrement moins centrée sur les Interfaces Homme-Machine classiques (sites web, apps mobiles…), leurs boutons, leur mise en page, leur navigation etc, et plus axés sur l’IA, les assistants virtuels et les agents conversationnels.
En tant que société à la pointe de la recherche dans le domaine des Facteurs Humains et de la psychologie cognitive, nous travaillons d’ores et déjà sur ces sujets et sur les futurs challenges des UX Designers, comme ceux représentés par l’IA émotionnelle. Mais ça, ça sera pour un futur article !
Si entre temps, vous souhaitez qu’on vous aide à la prise en main de l’IA et à envisager son intégration dans vos process métier, n’hésitez pas à nous demander une formation !
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