Aujourd’hui, retour sur l’évolution de l’accessibilité numérique et les perspectives en 2025 !
On va pas se mentir, on parle d’accessibilité numérique depuis 2005 (article 47 de la loi n°2005-102 qui déclare l’accessibilité en tant qu’exigence pour tout service de l’Etat, y compris numérique) mais le chiffre d’affaires de Ludotic en termes de conseil, formation ou R&D sur ce type de thématiques n’a quitté la case 0€ que plusieurs années après, preuve du fait que cela n’intéressait concrètement pas grand monde…
Accessible or not accessible… this is the question
Un vœux pieu, en somme, jusqu’au moins à 2019, date d’arrivée des premières sanctions, du moins en théorie. Car en pratique, même si certaines institutions françaises commencent à ce moment-là à s’intéresser au sujet (bien après certains de nos clients actifs sur le marché américain, porté par des contraintes légales comme la Section 508 et le début des travaux du W3C sur le WCAG), la réalité est bien plus gattopardienne (veuillez excuser mes citations littéraires italiennes) : « si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ».

La France invente le terme RGAA (Référentiel Général d’Accessibilité pour les Administrations) en 2009, rebaptisé en 2019… RGAA (oui, mais cette fois-ci il veut dire Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité), élargissant au passage son champ aux acteurs privés sous l’impulsion de la directive européenne 2016/2102.
En 2025 la situation est la suivante : le RGAA en est à sa version 4.1.2, de nombreuses ressources pour se former aux audits sont disponibles sur le web, l’IA même s’empare du sujet mais force est de constater qu’une partie de la société française et des entreprises du pays ignorent encore totalement le problème (je ne m’attarde pas sur les modifications du cadre légal de 2023 : elles ont fait bouger clairement les lignes, mais bien que certaines batailles aient été gagnées, la guerre ne l’est clairement pas). Vous trouverez ici un excellent résumé des principales étapes de l’évolution législative en France.
L’accessibilité en 2025 : constats
Certes, en 2025, une société comme Ludotic accompagne de nombreux clients dans le public et dans le privé (notamment les grandes entreprises, soumises à sanctions) mais l’accessibilité est rarement vue comme une priorité. A mon sens, pour au moins deux raisons :
- Les mentalités n’ont pas réellement évolué.
- En tant qu’Italienne, par exemple, je trouve le mot handicap choquant, car il renvoie à des notions de limitation, physique ou cognitive (et les limitations, personne ne les aime, personne ne veut avoir à s’en occuper). Le terme est tellement péjoratif, qu’en Italien on le considère une insulte et on préfère des termes comme « personnes habiles autrement », qui renvoie à une notion de différence (car chacun de nous est unique) voire à la capacité de ces personnes à s’adapter à un monde qui n’est pas fait pour eux (ce sont des super-héros, en fait !).
- Tant que les special needs (comme on les appelle dans le monde anglophone) ne seront pas considérés comme des priorités pour la société dans son ensemble, rien ne changera dans les entreprises. Tant qu’on ne comprendra pas que le handicap est une situation (et non pas une condition) qui peut toucher n’importe qui parmi nous, personne ou presque ne prendra sérieusement le sujet à cœur.
- Les Entreprises sont souvent motivées uniquement par le « bâton » que représentent les sanctions.
- Tant qu’on n’est pas concerné d’un point de vue légal, on ne bouge pas. Et quand on est concerné, on fait le minimum pour éviter de payer des amendes. Le mot inclusion ne fait en aucun cas partie de l’équation.
Barre toute !
Comment les choses peuvent donc changer ? Je n’ai pas de boule de cristal, mais 2025 peut être une année charnière pour l’évolution de l’accessibilité numérique, pour plusieurs raisons :
- L’harmonisation européenne va enfin entrer en vigueur (le fameux EAA), avec l’élargissement du « spectre » des société concernées (et l’abandon, au passage, du terme RGAA !)
- On va enfin passer d’une modalité déclarative à la mise en place d’autorités de contrôle de la conformité des outils digitaux des entreprises
- Les sanctions vont également évoluer à la hausse
Est-ce donc l’occasion d’opérer un virage à 180° et s’intéresser enfin sérieusement à l’accessibilité ? Seul le temps nous le dira, mais nous constatons que certains de nos clients commencent enfin à s’intéresser au sujet. D’autres sont encore dans le déni (« cela fait 20 ans qu’on parle d’accessibilité et de sanctions sans rien de concret… ça va encore continuer comme ça sur les vingt prochaines années ! »), le temps (et les autorités de contrôle) nous dira s’ils ont raison.
On y va… comment ?
Mais pour ceux qui prennent conscience maintenant de l’évolution du contexte légal, l’ampleur de la tâche peut effectivement faire très peur. La route de l’accessibilité peut paraitre longue, tortueuse voire impraticable : quand on a des centaines (des milliers ?) de collaborateurs en situation de handicap, plus de 300 sites web publics et au moins autant applicatifs métiers digitaux internes, par où commencer ? Et surtout, qu’est ce qu’il faut faire ?
C’est là où les démarches du Design Thinking, de l’UX, de l’intelligence collective et plus généralement de l’accompagnement stratégique et opérationnel centré utilisateurs volent au secours des entreprises : faire évoluer les mentalités, les process et les pratiques professionnelles relatives à l’accessibilité numérique n’est pas tellement différent que de les faire évoluer pour d’autres raisons (améliorer la qualité, optimiser la satisfaction des clients, réduire les coûts…).
Etablir un état des lieux, accompagner la MOA (Maitrise d’Ouvrage) dans la mise en place d’un plan d’action, piloter les initiatives de sensibilisation et de formation en fonction des différents publics ciblés, accompagner les collaborateurs dans la mise en œuvre de nouveaux outils et méthodes de travail… Tout bon UX Strategist connait tout ça par cœur.
Un conseil : bien que la démarche de mise en conformité règlementaire en termes d’accessibilité soit souvent drivée par les sanctions, je pense que la notion de KPI et ROI doit rester centrale : mettre en valeur les « plus » de cette démarche, en termes de performances du personnel (si on a corrigé des outils métier) ou de satisfaction clients (si on a modifié un site web ou une application mobile, par exemple) est plus valorisant et intéressant pour tout le monde que de parler de sanctions évitées.
Un monde inclusif est un monde dans lequel personne n’est en situation de devoir abandonner une tâche, perdre du temps inutilement ou s’énerver sans raison à cause d’un outil digital… N’oublions pas : si le handicap est une situation qui crée un problème, nous (concepteurs d’outils digitaux) sommes la solution.
