Accueil » Innovation » IA et évolution des métiers du numérique : Agent Experience Design (AXD)

IA et évolution des métiers du numérique : Agent Experience Design (AXD)

Dans un précédent article sur l’évolution des métiers du numérique, nous avons déjà abordé comment l’IA impacte au quotidien le métier d’UX Designer et la production de ses livrables. Cependant, comme annoncé en fin d’article, l’impact de l’IA sur nos métiers va bien plus loin : notre métier, en réalité, ne consiste pas en dessiner de jolies maquettes Figma (comme pas mal de personnes semblent le croire) mais à proposer des expériences numériques utiles, pertinentes et à valeur ajoutée.

Que l’expérience mette en œuvre une app mobile, un logiciel métier, un frigo connecté, une smartwatch ou une borne à interaction gestuelle, cela n’a d’impact que sur les guidelines (bonnes pratiques) de conception des interfaces (physiques, tactiles, vocales, etc.) et non pas sur la méthodologie générale à la base du Design Centré Utilisateur.

A Ludotic, mêmes nos grilles d’audit sont structurées pour qu’on puisse analyser et optimiser n’importe quel support numérique, car son utilisabilité dépend plus des modalités d’interaction homme-machine (IHM) qu’il propose que de la technologie sous-jacente (web, apps natives, clients lourds…), même si cette dernière impacte les recommandations correctives mises en œuvre.

L’IA : une modalité d’interaction comme les autres ?

Dans cette perspective, l’IA n’est donc pas (seulement) un puissant outil qui est en train de changer à jamais notre quotidien mais une nouvelle modalité d’interaction homme-machine (IHM), qui nécessite des guidelines spécifiques.

Au moins deux aspects principaux différencient l’interaction avec une IA de celle avec une IHM classique :

  • Le nombre de choix et possibilités offertes à l’utilisateur est infini.
    • Traditionnellement, l’interaction homme-machine reposait sur des interfaces présentant des contenus relativement statiques et des options sous forme de boutons, menus, liens, etc. Le concepteur devait donc anticiper correctement les données et les moyens d’interaction à proposer à l’utilisateur, dans cet univers fini. L’IA donne finalement bien plus de pouvoir à l’utilisateur, libre de demander à peu près d’importe quoi (et n’importe comment… mais on parlera de l’art du prompting une prochaine fois !). Au concepteur de l’aiguiller dans la bonne direction…
  • L’IA est potentiellement bien plus proactive qu’une IHM classique.
    • L’IA ne se contente pas d’exécuter des instructions, elle collabore avec l’humain, amplifiant ses capacités et permettant une forme d’intelligence augmentée. Le design d’anticipation a toujours été à mon sens l’un des piliers d’une bonne UX (vous ne connaissez pas ? Demandez-nous de vous former !). Avec l’IA, il n’y a plus de limites. L’IA, si elle a une bonne connaissance de l’utilisateur et un niveau d’information suffisant par rapport au contexte d’interaction peut vraiment apporter informations et services pertinents et à valeur ajoutée.

Depuis plusieurs années déjà, Ludotic intervient ainsi sur ces nouveaux terrains de jeu que sont les agents conversationnels, les cobots, etc. Mais nous regardons aussi plus loin, comme le témoignent nos collaborations de recherches internationales, telles que le projet EMIA4EU, visant à former les professionnels de l’IA de demain.

De l’UXD au AXD : les agents intelligents doivent ressembler aux humains ?

Ce que nous constatons est que l’IA est absolument partout dans nos vies et elle est en train de prendre le pas sur les modalités d’interaction homme-machine classiques. L’interaction avec des agents intelligents va rapidement devenir la nouvelle normalité et ceci ouvre de nouvelles perspectives en termes d’UX Design, en plus de celles décrites plus haut.

En effet, au-delà des données, infos et services qu’ils proposent, comment ces agents doivent-ils communiquer ? On souhaite qu’ils soient accueillants ou formels ? Qu’ils soient proactifs ou réactifs ? Qu’ils aient un style de communication très familier ou bien neutre ? En gros, préférons nous interagir avec des HAL 9000 (2001, l’Odyssée de l’espace) ou bien des Ava (Ex Machina) ou Samantha (Her) ?

Si vous avez vu ces films, les différences ne peuvent pas vous échapper : HAL comprend et répond aux questions, gère des tâches complexes, mais ses interactions restent froides, logiques et dénuées d’émotions authentiques. En revanche, Samantha ou Ava sont conçues pour simuler, ressentir et manipuler des émotions humaines (ce qui soulève des questions éthiques et philosophiques sur la conscience et l’empathie artificielles).

L'AXD (Agent Experience Design), c'est la conception de l'expérience qu'un utilisateur a avec un agent artificiel.

Malgré les potentielles dérives et dangers, les humains préfèrent en règle générale interagir avec d’autres humains (donc des êtres dotés de compréhension et expression des émotions) ou du moins avec des artéfacts numériques qui s’en rapprochent, car c’est plus rassurant et familier (c’est une histoire de modèle mental, mais on en parlera dans un autre article).

En tant que concepteurs d’expériences numériques, nous ne pouvons pas rester en dehors de ces débats. Une page récemment publiée sur le site de Polytech Nice-Sophia reprend l’état du marché actuel de l’IA émotionnelle : c’est clairement une tendance forte, car l’émotion est un très puissant catalyseur d’engagement humain. Les applications sont infinies, du domaine de la santé mentale (apporter un soutien pertinent et adapté à l’état de stress, fatigue, dépression, etc., d’un patient) à celui du commerce (vendre mieux et vendre plus grâce à des conseils personnalisés, donnés d’une manière convaincante et adaptés au profil du client).

Tout comme la gamification (autre cheval de bataille à Ludotic 😊), la composante émotionnelle d’une expérience numérique peut jouer un rôle crucial, mais comme toutes les armes de la persuasion, elle doit être manipulée avec précautions.

Back to fundamentals: Emotional Design

Si, en tant que UX Designers ou de manière plus générale, en tant que professionnel impliqué dans la conception de produits numériques, vous vous demandez si et comment prendre en compte les émotions humaines, je ne peux que vous renvoyer aux bases, le livre de Donald Norman paru en 2003 : « Emotional Design ».

Donald A. Norman a écrit Emotional Design Why we love or hate everyday things, et également le livre 'The design of everyday things', deux livres incontournables en design.

Les émotions jouent un rôle crucial dans la façon dont nous percevons, utilisons et apprécions les objets. Norman souligne le fait qu’un produit (physique ou numérique) qui suscite des émotions positives sera perçu comme plus performant et agréable, même si ses fonctionnalités sont identiques à celles d’un autre produit moins séduisant (même s’il reste à savoir ce qu’on met derrière le mot « séduisant »).

« Emotional Design » démontre que la réussite d’un produit ou service ne dépend pas uniquement de sa performance technique, mais aussi (surtout ?) de sa capacité à engager les émotions de l’utilisateur à tous les niveaux : sensoriel, fonctionnel et symbolique. L’impact va aller d’une influence sur les options de l’utilisateur jusqu’à un changement significatif dans son comportement.

Charge à nous, concepteurs, de positionner le curseur de manière intelligente, d’un point de vue éthique, pour ne pas glisser sur la pente de la manipulation. Comment ? Appellez-nous pour qu’on en discute ensemble !

En conclusion, l’IA émotionnelle me semble une tendance suffisamment claire, identifiée et à valeur ajoutée pour qu’on soit dans l’obligation de s’y intéresser si on veut proposer des innovations pertinentes et réellement utiles. Attention à ne pas en faire, en revanche, le plus grand dark pattern de l’histoire de l’humanité !

Auteur/autrice

  • Managing Director, Docteur de recherche en psychologie cognitive et eye tracking - Teresa allie la passion pour la recherche à celle de l’application des connaissances en ergonomie cognitive pour l’optimisation des Interfaces Homme-Machine. Teresa est reconnue pour son expertise dans le domaine du eye tracking, de la gamification, a rédigé de nombreux articles et contribué à la rédaction d’ouvrages dans le domaine de l’ergonomie cognitive. Teresa gère au quotidien les relations avec les clients Ludotic et supervise la plupart de nos réalisations.

    Voir toutes les publications