E-Virtuoses 2013 : rétrospective du salon Serious Game
Les 4 et 5 juin derniers s’est tenue la cinquième édition du salon E-virtuoses à Valenciennes. Au programme de E-virtuoses 2013 : serious game, e-learning, gamification et serious gaming.
Un colloque scientifique regroupant plus d’une vingtaine d’intervenants, des workshops portant aussi bien sur les financements d’un projet de serious game que leur conception et leur évaluation, et 20 projets retenus pour la remise des e-virtuoses awards dont le jury était présidé par le célèbre game designer Chris Crawford. Nous avons assisté à l’ensemble du colloque scientifique, petit bilan.
Le colloque scientifique
Le colloque était présidé par Gilles Brougère, professeur en sciences de l’éducation et chercheur à l’université Paris 13, qui avait la lourde tâche d’introduire et de conclure cette série de conférences. En effet, depuis le début l’appellation de « Serious game » fait l’objet de débats quant à son relatif contre-sens et le chercheur relève d’emblée cette tension plus ou moins forte entre le jeu et le sérieux.
Comme nous l’avions déjà expliqué dans ces lignes, le terme jeu peut à la fois être compris comme l’objet (un jeu de carte, un jeu vidéo) et comme le fait de jouer. Ainsi, il nous fait remarquer que si le serious game revêt toutes les caractéristiques d’un objet de jeu dans sa structure, rien ne garantit que l’utilisateur ciblé adopte une attitude ludique, c’est-à-dire qu’il devienne joueur en l’utilisant. Le professeur fait ainsi état de deux conditions essentielles au sentiment de jeu :
- Le second degré : le fait que le jeu ne soit pas réel, le joueur « fait comme si » de nouvelles règles existaient.
- La décision : la capacité du joueur à prendre des décisions sur le jeu et de maintenir un certain degré d’incertitude pour le résultat de ses actions.
En prenant l’analogie de l’analyse de marché, Gilles Brougère pose la question de comment s’assurer que le dispositif (le serious game) renvoie à la bonne disposition (le fait de jouer) de son utilisateur. Face à la diversité des cultures ludiques, des expertises, des a priori et au fait que tout le monde n’ait pas la même idée de ce qu’est un jeu, peut-on garantir que l’utilisateur joue bien au jeu ? Et finalement la question essentielle : les serious game ont-ils vraiment pour but d’être joués ?
Le jeu, le sérieux, tension palpable ?
Gilles Brougère remarque une logique d’évacuation du jeu, le jeu devient secondaire face au coté sérieux. « Ce qui domine c’est un serious game sans play, sans jeu ». Mais l’important est-il avant tout de permettre le jeu, le fun ou de garantir un apprentissage, une sensibilisation ?
Lors de sa conférence, Jeroen van Mastrigt insistait sur le caractère essentiel du fun et déclarait de façon assez provocante « ceux qui font une distinction entre un jeu sérieux et un jeu pour le divertissement ne connaissent rien ni à l’un ni à l’autre ». C’est peut-être un constat négatif : les conférences ont montré que les serious game prenaient des caractéristiques de jeu pour un objectif précis qui est rarement celui d’amuser.
D’un autre côté, Jean François Carrasco rappelle, lors de son bilan sur le colloque SEGAMED porté sur les serious game dans le milieu médical, l’importance de mesurer l’impact clinique de l’outil et que le jeu pour le jeu n’a pas sa place.
Dans sa conférence sur les usages des serious games en éducation thérapeutique, le docteur Aurore Guillaume fait mention de l’importance du cadre d’apprentissage dans lequel est utilisé l’outil. Ce qui nous amène à d’autres questions : joue-t-on vraiment quand cela nous est imposé ? Peut-on réellement adopter une approche ludique lorsque nous sommes forcés à jouer ?
Mais qu’est-ce que le jeu ?
De son côté, Sebastien Bogajewski nous explique que ce que l’on cherche à mettre en place en psychologie clinique c’est avant tout une situation de jeu. Il remarque que le jeu est un outil intéressant notamment grâce à l’identification (le patient s’identifie-t-il au personnage) et au scénario (le patient peut-il suivre un scénario et réagir à l’histoire qui lui est proposée). Mais ces traits sont-ils réellement caractéristiques d’une structure de jeu ?
Pour ma part, je trancherai toutes ces questions par une remarque : est-il vraiment intéressant de se demander quelles sont les différences entre un jeu ou un serious game ? N’y aurait-il pas une tendance vaine à vouloir nommer « jeu » ce qui ne l’est pas toujours, alors que de toute façon, ce n’est pas grave ! L’important est de voir quelle est l’efficacité de cet outil et avec quel degré de satisfaction il est utilisé car quand bien même le serious game a toute la structure d’un jeu de par ses règles, ses mécanismes de décision etc. , si l’utilisateur ne veut pas jouer avec, il n’y aura pas de jeu.
Et l’évaluation dans tout ça ?
Que ce soit de la gamification, du serious game ou du serious gaming comment évaluer l’efficacité, l’utilité du jeu ou encore expérience des utilisateurs ? Même si l’évaluation est un aspect très important et pris très au sérieux par Julien Alavrez et Sylvain Haudegond du Play Research Lab. Ils approchent à la fois l’évaluation des dispositifs mais aussi des utilisateurs et des écosystèmes, force est de constater que ces questions ne se retrouvent pas suffisamment dans la bouche des concepteurs ou des financeurs.
Sylvain Haudegond aborda rapidement le point lors de sa conférence qui se conclut sur la nécessité de développer une méthodologie plus adaptée au terrain. Cette question a certainement été plus amplement traitée lors du workshop qu’il menait en parallèle des conférences.
Le PRL présenté par Julien Alvarez via Ludovia Magazine.
Bilan
Bien évidemment, ce salon n’apporte pas de réponses à toutes les questions mais il marque un peu plus le changement de discours vers une vision du serious game, de la gamification et du serious gaming comme réel objet d’étude digne d’intérêt à la fois pour les professionnels et pour les enseignants chercheurs. Loin de l’engouement naïf présent sur la scène il y a encore quelques années, ce sont de vraies questions qui ont été posées avec des réponses concrètes, des réflexions matures, des intervenants et des projets de qualité qui ont été présentés et qui ont fait de ce salon une véritable réussite.
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