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Battle Pass sur mobile : quels mécanismes derrière cette tendance ?

Autrefois, acheter un jeu vidéo à prix fixe était la norme. Aujourd’hui, ce n’est plus le modèle dominant, surtout dans le cas des jeux vidéo sur appareils mobiles. Les systèmes nécessitant un abonnement sont également très rares sur mobile ; le modèle économique prédominant est le “free-to-play”. Dans la quasi-totalité des cas, des micro-transactions sont intégrées au jeu.

Parmi celles-ci, le système le plus récurrent est celui du Battle Pass. Avant d’analyser les mécanismes sous-jacents à ce type de système, il est important de distinguer trois types de Battle Pass selon leur influence sur l’expérience du joueur.

Les différents types de Battle Pass

Aujourd’hui, la mécanique du Battle Pass est omniprésente dans les jeux vidéo, indépendamment du genre ou du gameplay. Le principe est simple : offrir au joueur des récompenses à chaque palier de progression, ces paliers étant atteints en complétant des défis ou des tâches quotidiennes, hebdomadaires ou saisonnières. On distingue plusieurs formes de Battle Pass :

  • Le Battle Pass Premium exclusivement payant :

Le modèle le plus courant. Les joueurs free-to-play n’ont accès qu’aux récompenses gratuites, tandis que les meilleurs contenus restent réservés à ceux ayant acheté le Battle Pass premium. Par exemple, dans Buster Squad de Supercell, seuls les joueurs ayant payé peuvent débloquer certains skins ou bonus.

  • Le Battle Pass achetable en monnaie in-game :

Les joueurs n’achètent pas le Battle Pass avec de l’argent réel, mais en utilisant une monnaie rare difficile à accumuler. Cela implique un investissement conséquent en temps et en effort. Magic: The Gathering Arena propose ce modèle, où les joueurs patients peuvent accéder à la version premium sans dépenses réelles.

Illustration Battle-pass magic the gathering Arena
Illustration du système de Battle Pass du jeu Magic : The gathering Arena
  • Le Battle Pass “auto-financé” :

Plus rare, ce modèle permet, si l’on complète entièrement un Battle Pass premium, de récupérer suffisamment de “crédits premium” pour acheter le suivant sans frais supplémentaires. Ce modèle encourage l’engagement sur le long terme. Mais il impose d’être assidu et d’optimiser sa progression. Pour autant, le joueur doit quand même faire un premier investissement financier, en plus de son assiduité, pour conserver ces avantages.

Différents modèles, différents comportements

Ce choix de modèle influence directement la relation entre le joueur et l’économie du jeu. Les systèmes qui permettent aux joueurs free-to-play d’accéder au contenu premium suscitent un fort engagement. Dans ce cas, le joueur est plus enclin à dépenser pour son support vidéoludique préféré.

À l’inverse, lorsqu’il est nécessaire de payer, l’exclusivité du contenu renforce sa valeur perçue, créant un effet de rareté particulièrement puissant. Tandis que si les contenus présents en version premium peuvent être obtenus d’une autre manière, une partie des joueurs préférera investir du temps de jeu plutôt que de l’argent réel.

Enfin, le cas hybride crée un engagement né d’un investissement initial, incitant le joueur à rester pour éviter une perte. S’il ne complète pas toutes les étapes nécessaires pour renouveler son Battle Pass sans payer, son investissement initial sera perdu.

Leviers de motivation ou de manipulation ?

Pourquoi les Battle Pass sont-ils si efficaces ? Eh bien, ils reposent sur plusieurs leviers psychologiques :

  • Récompenses progressives :

Chaque palier atteint apporte une gratification immédiate. Cela entretient une dynamique positive, encourageant les sessions régulières. De plus, une fois un palier atteint, l’utilisateur voit immédiatement les actions ou efforts nécessaires pour atteindre le palier suivant.

  • Comparaison sociale :

Dès les premiers niveaux, les joueurs premium débloquent fréquemment des skins ou des cosmétiques visibles par tous. Cela instaure une distinction statutaire entre ceux qui ont payé et les autres. Cela alimente un désir d’appartenance par la frustration statutaire tout en renforçant la comparaison sociale.

Illustration de la différence de cosmétiques du Battle-Pass Brawlstars
Illustration de la différence de cosmétiques du Battle Pass Brawlstars
  • Exclusivité et rareté (scarcity bias) :

Les Battle Pass limitent souvent la disponibilité des récompenses dans le temps. Les joueurs doivent les débloquer rapidement, sous peine de les voir disparaître, ce qui crée une pression temporelle.

  • Effet de perte (loss aversion) :

À chaque connexion et chaque palier atteint, le jeu rappelle non seulement les récompenses gratuites acquises, mais surtout celles que le joueur aurait pu obtenir en passant premium. Ce mécanisme joue sur la peur de rater une opportunité (Fear of Missing Out).

Quels effets sur le comportement des joueurs ?

Avec les éléments listés ci-dessus, on peut établir que les systèmes de Battle Pass actuels sont avant tout des outils utilisés pour influencer les comportements d’achat. Ce qui est, après tout, normal pour des modèles de jeu free-to-play. Une technologie, même persuasive, n’est pas néfaste en soi. C’est la manière dont elle est utilisée qui lui donne un sens positif ou négatif pour l’utilisateur.

Chaque type de Battle Pass ou de levier de motivation que nous avons cité aura plus ou moins d’impact selon l’utilisateur. Un joueur sera plus ou moins réceptif à ces différentes influences. Cependant, si un joueur doit payer pour pouvoir s’amuser de manière satisfaisante, peut-on encore parler d’un jeu que l’on peut qualifier de free-to-play ?

Dans certains jeux, la frontière entre free-to-play et pay-to-win devient mince. Lorsque le Battle Pass propose non seulement des éléments cosmétiques, mais aussi des améliorations offrant de vrais avantages compétitifs (par exemple, des personnages plus puissants ou des équipements améliorés), un plafond de verre se crée. Les joueurs free-to-play ne peuvent plus rivaliser à armes égales avec ceux qui investissent financièrement.

Cette dynamique influence l’écosystème compétitif, phénomène généralisable à la plupart des modèles de micro-transactions.

Conclusion

Le Battle Pass s’est imposé car il offre une alternative plus engageante et psychologiquement efficace que les simples achats directs. Cependant, son succès repose sur un équilibre délicat : maintenir l’envie sans provoquer la frustration. Trop pencher du côté du pay-to-win risque d’aliéner les joueurs les plus assidus, même si l’on trouve toujours des joueurs capables de dépenser des sommes folles pour ces jeux mobiles.

Quelle est donc la meilleure solution ? Favoriser l’équité entre les joueurs pour assurer une fidélité envers leur jeu préféré, afin qu’ils décident librement de dépenser leur argent sans se sentir contraints ? Ou bien favoriser les joueurs payants, quitte à rebuter la majorité des joueurs qui se refusent à payer pour gagner ?

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Auteur/autrice

  • User Researcher, UX Designer - Issu d’une formation en psychologie et ergonomie, Arthur s'intéresse tout particulièrement à la conception d’interfaces centrées utilisateur, qu’il s’agisse de proposer un design, d'optimiser la performance, l’efficience ou la jouabilité. Il se positionne principalement sur les avantages et les risques liés à l’utilisation des NTIC, et sur la persuasion technologique. Il privilégie pour cela une approche systémique et holistique, intégrant toutes les composantes de l’expérience utilisateur.

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